Recouvrement amiable
C’est à celui qui prétend être créancier de prouver que la dette est « certaine », c’est-à-dire incontestable. La première chose à faire est donc de demander à la société de recouvrement de vous fournir un justificatif de créance.
De votre côté, si vous prétendez avoir déjà réglé cette facture, vérifiez dans vos relevés bancaires que la somme réclamée a bien été prélevée. Vous pourrez ainsi envoyer une copie de cette preuve de paiement, jointe à un courrier de contestation, par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR), à la société de recouvrement. Sachez que les talons de chèques ne sont pas des preuves de paiement, mais leurs numéros vous permettront de retrouver, dans vos relevés, une trace de leur débit. Si vous êtes sûr de ne rien devoir à votre prétendu créancier, ne faites aucun paiement en sa faveur : ce courrier n’est peut-être qu’une tentative d’intimidation.
Pour être valable, la lettre de recouvrement doit respecter les exigences posées par le code des procédures civiles d’exécution (CPCE ; articles R. 124-4 et suivants du CPCE). Elle doit comporter :
- Le nom ou la dénomination sociale de la personne chargée du recouvrement amiable, son adresse ou son siège social, ainsi que l’indication qu’elle exerce une activité de recouvrement amiable
- Le nom ou la dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social
- Le fondement et le montant de la somme due (en distinguant le principal et les intérêts) à l’exclusion des frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire, sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi (voir point 5)
- L’indication d’avoir à payer la somme due et les modalités de paiement de la dette
- La reproduction des deuxièmes et troisièmes alinéas de l’article L. 111-8 du CPCE.
- Enfin, les références et date d’envoi de ce courrier doivent être rappelées à l’occasion de toute autre démarche auprès du débiteur en vue du recouvrement amiable (un courrier de relance, par exemple).
En effet, passé un certain délai, le créancier ne peut plus réclamer son dû au débiteur : il y a prescription. En général, en matière de fourniture de biens ou de services, un professionnel a 2 ans pour agir en justice contre un consommateur (article L. 137-2 du code de la consommation). Mais ce délai est porté à 5 ans (article 2224 du code civil) pour une dette entre particuliers. Et il existe d’autres délais de prescription dans des domaines spécifiques (voir encadré ci-dessus), notamment dans la téléphonie et la fourniture d’accès à internet, où le délai est seulement d’un an (article L. 34-2 alinéa 1er du code des postes et des communications électroniques).
Le délai part du lendemain du jour où le paiement était dû et s’achève après 1 an, 2 ans, 5 ans ou davantage (selon le type de prescription ; voir ci-dessus), le jour qui porte le même chiffre que celui de départ, à minuit. Par exemple, si la somme réclamée devait être payée le 5 septembre 2009, le délai a commencé à courir le 6 septembre 2009 et expiré le 6 septembre 2011. Dans notre exemple, le fournisseur d’accès ne peut donc plus agir en justice, ce qui explique son insistance à faire payer son débiteur « à l’amiable », par le biais d’une société de recouvrement.
À savoir : la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 sur la prescription a beaucoup raccourci certains délais. Pour les dettes dont la prescription a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la loi, c’est le nouveau délai raccourci qui s’applique à compter du 19 juin 2008. Sauf si l’ancien délai devait expirer avant la date du nouveau, auquel cas le délai expire à la date convenue. Il serait absurde, en effet, que ce dernier soit allongé du fait d’une loi censée le raccourcir.
Sachez toutefois que le délai de prescription peut être interrompu par certains événements, comme une demande en justice ou une reconnaissance de dette. Parfois, même une LRAR de rappel suffit, comme en matière de primes d’assurance (article 114-2 du code des assurances). Le délai repart alors à zéro pour la même durée, à compter de cet événement. Par exemple, si après réception du courrier de recouvrement amiable, vous écrivez à votre fournisseur d’accès à internet que vous avez cessé de payer votre abonnement parce que la connexion était trop mauvaise, mais sans le résilier en bonne et due forme, vous reconnaissez être débiteur. Cet aveu fera courir à nouveau le délai de prescription dans son intégralité.
Enfin, le délai de prescription peut avoir été simplement suspendu, par une tentative de médiation ou de conciliation auquel cas il reprend pour la durée restante.
En pratique, un titre exécutoire est une décision de justice, dès lors que celle-ci est définitive (c’est-à-dire qu’elle n’est pas ou plus susceptible d’aucun recours suspensif) et qu’elle a été notifiée à la partie adverse. Par exemple, une ordonnance d’injonction de payer qui n’a pas fait l’objet d’opposition dans le mois suivant sa signification (par huissier) est un titre exécutoire, en vertu duquel des saisies, sur les salaires ou sur les biens, vont pouvoir être pratiquées. Sont également considérés comme des titres exécutoires : les actes notariés revêtus d’une formule particulière, appelée « formule exécutoire », certaines transactions validées par le juge (on dit alors qu’elles ont reçu la «force exécutoire»), ou bien encore le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque (article L. 111-3 du CPCE). Mais un courrier de recouvrement amiable, même envoyé en recommandé, et aussi menaçant soit-il, ne constitue pas un titre exécutoire.
En réalité, la loi est très claire sur ce point: si le recouvrement est entrepris sans titre exécutoire, les frais qui résultent de cette démarche sont à la seule charge du créancier. En effet, l’article L. 111-8 du CPCE (anciennement la loi n° 91-650 du 9.7.91) distingue les frais de recouvrement amiable (avant toute saisine du juge), qui incombent au créancier, de ceux de procédure (une fois qu’un juge a été saisi) qui peuvent être mis à la charge du débiteur. Si, par la suite, le créancier obtient du juge une injonction de payer et que celle-ci n’est pas contestée, alors il pourra demander que le débiteur assume les frais de procédure, comme l’envoi d’une lettre recommandée par une société de recouvrement. La Cour de cassation a réaffirmé ce principe dans un arrêt du 20 mai 2010 (2e chambre. civ., n° 09-67591).
À savoir : il existe une exception à ce principe : si les frais de recouvrement amiable concernent un acte que la loi rend obligatoire, alors ils peuvent être mis à la charge du débiteur (article L. 11-8). Ainsi, le coût d’un commandement de payer par huissier, préalable obligatoire à la mise en œuvre d’une clause de résiliation d’un bail, par exemple, peut être mis à la charge du locataire.