Kafkagricole
1 MARS 2020 PAR ZAZAZ ÉDITION : IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST
Il y a ceux qui s’endettent au-delà du raisonnable pour tenter de survivre, pieds et poings liés aux grands distributeurs, et puis il y a ceux qui auraient aimé emprunter. Christophe Bitauld fait partie de ces derniers, mais il est tombé sur un os : le Crédit Agricole. Après plus de quinze ans de galère, le procès en appel aura lieu ce mercredi 4 mars.
L’histoire commence en 1998 quand Christophe Bitauld, producteur bio de pommes à cidre, a clôturé son compte au Crédit Agricole du Sel-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine, mais ce n’est qu’en 2007 qu’il apprendra que ce compte a été utilisé à son insu par… le Crédit Agricole. À force d’essuyer les refus de prêts pour un projet photovoltaïque, un employé de banque lui révèle enfin qu’il est fiché à la Banque de France. Il découvre alors que le compte clôturé possède un encours de 60 000 €.
La Banque de France a longtemps nié toute erreur, mais après une procédure civile avec l’aide de la CNIL, le Crédit Agricole (CA) a reconnu un bug informatique et a été sommé de mettre à jour ses données. L’histoire aurait pu en rester là si les refus de prêts n’avaient pas continué à pourrir la vie de l’agriculteur. En 2011, Christophe Bitauld assigne le CA en justice pour obtenir réparation du préjudice subit, à savoir 50 000 € de dommages et intérêts. Ce n’est que cinq ans plus tard, en avril 2016, que le Tribunal de Grande Instance de Rennes classera l’affaire sans suite, en condamnant le plaignant aux dépens, tout en reconnaissant la responsabilité de la banque ! Quant à l’indemnisation, elle est refusée, faute de preuves des préjudices. On rit jaune quand on sait que les banques ne sont pas obligées de motiver les raisons d’un refus de prêt, a fortiori, par écrit. Pas de traces, pas de dommages !
Les bugs informatiques des administrations françaises sont bien connus avec en tête de gondole le RSI, la CAF, les impôts, Parcoursup…, mais durant cette longue procédure judiciaire, Christophe Bitauld a eu le temps de fouiller un peu. En 2012, il consulte à nouveau la Banque de France et s’aperçoit que, toujours sur ce même compte fermé depuis 1998, l’encours a continué d’évoluer. De 280 000 € en juin 2012, il passera à 530 000 € en septembre ! Le scandale des banques et de leurs subprimes était passé par là, et quand en 2016, celui de Wells Fargo et de ses comptes fictifs éclata, Christophe commença à se poser la question légitime : « À quoi a servi mon compte bancaire clôturé depuis dix-huit ans ? »
Ce 4 mars 2020, la Cour d’appel de Rennes ne jugera pas le Crédit Agricole pour des pratiques dont la similitude est étonnante, mais pour accorder ou non à Christophe Bitauld des dommages et intérêts estimés à 700 000 €, après quinze ans de contraintes administratives, d’empêchements à développer ses entreprises et à acquérir du foncier ou du matériel, de perte d’exploitation, de répercutions sur sa santé et sa famille. Ce n’est pas très cher payé, et c’est toujours moins que les trois ou quatre milliards de dollars qu’il en a coûté à la troisième banque des États-Unis au bout du compte… bancaire.
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